vendredi 14 janvier 2011
Virginité
C’est au milieu des feuilles mortes qu’il suit son chemin, les accompagnant dans leur danse volatile, drainée par le vent. Sa quête n’a aucune signification, elle ne le mènera nulle part. Il n’a aucun but, il ne respecte aucune de nos lois, il se laisse emporter par la volonté de son propre corps. Il ne se questionne pas, ne se sent pas, il se dispensera de comprendre à quoi sert le monde, pourquoi autours de lui nous nous agitons inutilement. Pour lui nous ne sommes rien de plus qu’une masse grouillante et fourmillante. Lui, ne fait qu’éviter cela sans jamais y prendre part mais sans nous perdre de vue. Il ne sera jamais comme nous et ne cherchera pas à nous ressembler. Sa liberté est totale, tandis que la notre s’arrête là où nous ne nous y attendons le moins. Lui ne fait que continuer le cours de son existence. Il ne se souciera pas du lendemain, il ne pense déjà plus à hier. Il poursuit le trajet sans hâte, sans sommeil, sans appétit. Il n’est régit que par une seule et unique loi : celle du vent. Celui-ci ne cesse de lui faire tourner la tête. Il tourne, tourne, tourne, s’envole jusqu’à ce que le vent s’endorme, lui ôtant toute liberté, le réduisant enfin à sa véritable existence : celle d’un sachet plastique.
dimanche 9 janvier 2011
Un mariage heureux
Pendant longtemps, ma vie fut durement régulée par ma merveilleuse petite femme. Cette masse humainement proportionnée et frigide, qui me ronfle au nez depuis 25 ans, au milieu de notre lit, qui est au milieu de notre chambre, qui est au milieu de notre maison, qui est au milieu de notre petit bled américain aux quartiers monstrueusement chics et réguliers.
Allez savoir pourquoi je suis au centre des centres, perdu dans cette régularité strictement mathématique qui est censée faire effet aux voisins et nous procurer une "harmonie familiale", comme disait la matrone. Mon corps symétrique est lui-même anéanti par les pièces de la maison, peintes, drapées, tapissées, emménagées et soignées par les rigoureux talents "artistiques" de ma femme. Je n'ai jamais vraiment pris part à tout ça, mentalement parlant, car physiquement, j'y étais dans ces magasins ridicules où ce vendeur californien tentait de nous vendre le lit à 8 000 $. Et vous savez quoi ?
Elle l'a acheté.
Je ne sais pas vraiment à quoi je ressemble au milieu de toute cette organisation assortie, je me suis souvent dit que ma femme devait y voir une tâche de gras détestable et coriace, un peu comme celles qu'il y a sur les plaques céramiques de la cuisine quand elle fait des frites, les week-end où elle ne veut pas cuisiner.
Et bizarrement, elle aurait raison.
J'ai souvent l'angoisse de laisser l'empreinte de mon cul sur le canapé en cuir italien à 9 999 $ (pour ne pas dire 10 000). Tout ces prix psychologiques me donnent envie de gerber. J'ai encore l'impression de les voir apparaître en rouge sur les étiquettes immaculées des meubles lorsqu'ils sont encore exposés en magasin, sous les néons électriques. Même ma femme semble afficher une de ces étiquettes sur la tronche. Elle serait mon plus gros crédit : le dernier objet high-tech d'une série hautement limitée, payable en 3 fois, et remboursable sur 35 ans, avec un taux Hors TTC à 3% de la somme totale par mois, avec éventuellement possibilité de nouveau crédit pour dégâts conjugaux et sexualité absentéiste.
Je cherche parfois à comprendre quelle série d'évènements ait fait que ma vie soit à ce point pathétique, léthargique et profondément merdique. Pourquoi la fille qui simulait l'évanouissement en cour pour aller fumer un joint sur le toit de la fac, est devenue cette garce frigide ? Et surtout, pourquoi a-t'elle fait de moi ce monsieur "Tout-le-Monde", stéréotype qui refroidit sa petite culotte et mes entreprises conjugales ?
Pourtant, en y réfléchissant, il me semble qu'autrefois, ma jeunesse fut festive, débridée, débauchée, anti-contraceptive et sexuellement active. Mais quand je me regarde le matin dans le reflet de la cafetière, je ne vois qu'un homme de 40 piges, effacé, blasé, sexuellement anéanti, dans mon costume claquant 3 pièces et ma petite mallette carrée. Etouffé au centre des règles que nous impose ma femme, m'obligeant à fumer les clopes dans les chiottes du dernier étage, à écouter mes vieux vinyles dans le garage, à simuler mon bonheur, dans l'attente d'une éventuelle crise cardiaque qui me sortirait de ce merdier.
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