samedi 14 mai 2011

atelier d'é.

C’était une de ces journées affreusement chaudes. L’asphalte de la ville semblait se moudre sous les coups agressifs du soleil de Juillet. Et l’odeur qui émanait du goudron fondu me donnait une profonde nausée, un peu comme celle que j’ai quand ça sent la cigarette, l’alcool, la haine et le sexe dans la chambre de maman. Ce jour là, l’asphalte sentait à sa façon, elle sentait quelque chose de dégoutant : un peu trop le ciment, un peu trop les petits graviers carbonisés, le pneu de voiture, et la sale amertume de l’été.

Il commençait à faire trop chaud pour penser à quoi que ce soit, la tête me tournait déjà et un goût étrangement acide me remontait progressivement le long de la trachée. Mes yeux se sont perdus un instant dans cette sorte de vert très vivant : une menthe à l’eau ou un truc du genre. C’était comme du printemps dans un verre à eau tout transparent.

Une petite fille de mon âge le tenait. Elle était habillée avec pleins de jolies couleurs et, au premier abord, ça piquait un peu les yeux. Le monde autour de nous était trop noir et blanc pour supporter un tel contraste. Et moi, j’étais trop pâle sûrement, parce qu’elle ne me regardait pas, la petite fille.
Pendant un instant, je m’amusais à errer dans le léger duvet qui clairsemait ses avants bras. Les poils étaient blondinets et propres. Ca devait sûrement sentir le sucré, l’herbe et le crayon papier. Si je l’embrassais à cet endroit là, je pense que ça m’aurait un peu chatouillé le nez et les lèvres. Tout ça c’était mignon à penser, et l’asphalte me paraissait déjà moins nauséabond parce que je savais que son odeur âcre se mêlait certainement à l’odeur de la petite fille.

Et alors, je pouvais commencer à réfléchir. Je ne sais pas vraiment comment on fait l’amour, mais je suis certain que ça ne ressemble pas à ce que fait maman quand je l’entends crier dans la chambre. Moi, je sais que je ne lui ferai pas de mal à la petite, et je ne l’obligerai pas à se mettre toute nue parce que c’est vraiment dégueulasse et aussi parce que mes draps, ils grattent.

Alors que je pensais à tout ça, il y a eu un gros souffle dans l’air. C’était comme un grand tourbillon d’air excessivement chaud qui a balayé toutes les jolies odeurs pour les emporter loin vers l’Est. Une fois que tout s’est apaisé, il y eut un court instant sec où l’air m’a semblé incroyablement plombant. Ca sentait fort les bouches d’égout et c’était comme si on m’avait forcé à mettre le nez dans une culotte à maman.

J’ai eu envie de vomir et je me suis demandé si la magnifique petite fille ne finirait pas par devenir comme maman : une pute amère qui sent le cendrier froid.

samedi 16 avril 2011

Danse, la déca[danse]





Ne fais pas ton spectacle, par pitié. On vient de s’engueuler violemment, les coups sont partis. Et cette sueur qui ne veut plus quitter ma peau, qui transpire par tout les pores – je me sens oppressé. Ne me montre pas tes reins, pas maintenant. Il y a encore trop d’électricité dans l’air. Je ne sais pas encore si je continue, si je m’arrête. Tu sais ; je parle de nous deux. Tout est confus depuis des mois – puis tes seins blancs sont comme des petits pointillés au milieu de mes réflexions. Tu es trop magnifique pour rester indifférent. Toutes ces petites veines bleues qui fleurissent sous ta peau blanche… tes hanches, ta bouche, tes cheveux. Ne me torture pas, rhabille-toi.

Laisse-moi seul, dans ce recoin de pièce. Eloigne-toi. Je ne veux plus que ça sente comme toi. Je ne veux plus que ça ressemble comme toi. Je ne veux plus vivre par toi. Ampute moi de toi. Je suis prêt à souffrir une bonne fois pour toute, car maintenant j'ai appris à gagner le calme des grands sages.

jeudi 24 mars 2011




Ce soir tu m'as laissé au fond de la pièce, tout près des chiottes. Dans un de ces recoins humides que je n'aime pas, dans ce genre de nul part qui sent la fosse sceptique et le vieux cendrier. Un de ces recoins vides, fumants, trop près de moi ou trop loin de toi... Je n'ai pas encore choisi.

Je me demande de quoi j'ai l'air à présent, bloquée entre nos vieux mobiliers, seule dans cet espace que tu as quitté tout à l'heure.

Tiens.. J'étais en train de me poser la question, quand une vive brûlure m'a réveillé de ma léthargie : j'avais oublié qu'une clope était en train de se consumer au bout de mes doigts inactifs. Piquée à vif, je l'ai lâché et l'ai vu s'écraser au sol, dans un bruit court et sec. C'est étrange tu vois, en un instant, cette clope m'a semblé bien plus lourde que de coutume à en juger par sa chute droite et parfaite. Impeccable.

Je contemple ce qui reste d'elle au sol. J'aurais aimé que tu vois ça. Le filtre orange aux contours sublimement délimités s'étirent pour finir en cendre grise et vaporeuse. A regarder, le spectacle est à la fois morbide et magnifiquement poétique. Cette cigarette aura vécu le temps d'une combustion lente et douloureuse.

Peut être comme nous.

Face à ce spectacle, le souvenir de formes humaines et fantomatiques ressurgit peu à peu. Ces gens qui étaient avec nous tout à l'heure. En y réfléchissant, cette masse humaine avait les contours aussi incertains que cette cendre vaporeuse et cancérigène gisant à même le sol. Ces corps auraient sûrement étaient indifférents face au cadavre de la cigarette, trop occupés à finir leur verre pour s'en servir un autre, qui sera à nouveau vidé, puis rempli, vidé, rempli, vidé. Je te l'avais dit chéri. Cette soirée je ne voulais pas la faire.

Mais tu as insisté, j'ai dit non, tu as résisté, alors j'ai dit oui. Je n'ai jamais su te résister, tu le sais. Je n'ai jamais su te contredire.

Et cette fois j'aurais dû.

jeudi 10 février 2011

Beauté 2




Quand tu as quitté la pièce, j'ai eu un seul réflexe : te regarder. Aucun mot ne sortait, j'en avais aucun en tête à ce moment là. Tu ne t'es pas retourné, et ta dernière action fut de faire danser les grains de poussières qui flottaient dans l'air, juste dans ce rayon de lumière. Ces grains étaient entre toi et la porte, immobiles. En les traversant, tu leur as retourné la tête, autant qu'à moi. C'était vraiment magnifique à voir. Puis, en l'espace d'un instant, tu n'étais plus là. Tu es parti avec ce dernier moment de poésie. Et à ce moment précis, c'était comme si tout l'oxygène de la pièce s'était enfui.

vendredi 14 janvier 2011

Virginité




C’est au milieu des feuilles mortes qu’il suit son chemin, les accompagnant dans leur danse volatile, drainée par le vent. Sa quête n’a aucune signification, elle ne le mènera nulle part. Il n’a aucun but, il ne respecte aucune de nos lois, il se laisse emporter par la volonté de son propre corps. Il ne se questionne pas, ne se sent pas, il se dispensera de comprendre à quoi sert le monde, pourquoi autours de lui nous nous agitons inutilement. Pour lui nous ne sommes rien de plus qu’une masse grouillante et fourmillante. Lui, ne fait qu’éviter cela sans jamais y prendre part mais sans nous perdre de vue. Il ne sera jamais comme nous et ne cherchera pas à nous ressembler. Sa liberté est totale, tandis que la notre s’arrête là où nous ne nous y attendons le moins. Lui ne fait que continuer le cours de son existence. Il ne se souciera pas du lendemain, il ne pense déjà plus à hier. Il poursuit le trajet sans hâte, sans sommeil, sans appétit. Il n’est régit que par une seule et unique loi : celle du vent. Celui-ci ne cesse de lui faire tourner la tête. Il tourne, tourne, tourne, s’envole jusqu’à ce que le vent s’endorme, lui ôtant toute liberté, le réduisant enfin à sa véritable existence : celle d’un sachet plastique.

dimanche 9 janvier 2011

Un mariage heureux




Pendant longtemps, ma vie fut durement régulée par ma merveilleuse petite femme. Cette masse humainement proportionnée et frigide, qui me ronfle au nez depuis 25 ans, au milieu de notre lit, qui est au milieu de notre chambre, qui est au milieu de notre maison, qui est au milieu de notre petit bled américain aux quartiers monstrueusement chics et réguliers.

Allez savoir pourquoi je suis au centre des centres, perdu dans cette régularité strictement mathématique qui est censée faire effet aux voisins et nous procurer une "harmonie familiale", comme disait la matrone. Mon corps symétrique est lui-même anéanti par les pièces de la maison, peintes, drapées, tapissées, emménagées et soignées par les rigoureux talents "artistiques" de ma femme. Je n'ai jamais vraiment pris part à tout ça, mentalement parlant, car physiquement, j'y étais dans ces magasins ridicules où ce vendeur californien tentait de nous vendre le lit à 8 000 $. Et vous savez quoi ?

Elle l'a acheté.

Je ne sais pas vraiment à quoi je ressemble au milieu de toute cette organisation assortie, je me suis souvent dit que ma femme devait y voir une tâche de gras détestable et coriace, un peu comme celles qu'il y a sur les plaques céramiques de la cuisine quand elle fait des frites, les week-end où elle ne veut pas cuisiner.

Et bizarrement, elle aurait raison.

J'ai souvent l'angoisse de laisser l'empreinte de mon cul sur le canapé en cuir italien à 9 999 $ (pour ne pas dire 10 000). Tout ces prix psychologiques me donnent envie de gerber. J'ai encore l'impression de les voir apparaître en rouge sur les étiquettes immaculées des meubles lorsqu'ils sont encore exposés en magasin, sous les néons électriques. Même ma femme semble afficher une de ces étiquettes sur la tronche. Elle serait mon plus gros crédit : le dernier objet high-tech d'une série hautement limitée, payable en 3 fois, et remboursable sur 35 ans, avec un taux Hors TTC à 3% de la somme totale par mois, avec éventuellement possibilité de nouveau crédit pour dégâts conjugaux et sexualité absentéiste.

Je cherche parfois à comprendre quelle série d'évènements ait fait que ma vie soit à ce point pathétique, léthargique et profondément merdique. Pourquoi la fille qui simulait l'évanouissement en cour pour aller fumer un joint sur le toit de la fac, est devenue cette garce frigide ? Et surtout, pourquoi a-t'elle fait de moi ce monsieur "Tout-le-Monde", stéréotype qui refroidit sa petite culotte et mes entreprises conjugales ?

Pourtant, en y réfléchissant, il me semble qu'autrefois, ma jeunesse fut festive, débridée, débauchée, anti-contraceptive et sexuellement active. Mais quand je me regarde le matin dans le reflet de la cafetière, je ne vois qu'un homme de 40 piges, effacé, blasé, sexuellement anéanti, dans mon costume claquant 3 pièces et ma petite mallette carrée. Etouffé au centre des règles que nous impose ma femme, m'obligeant à fumer les clopes dans les chiottes du dernier étage, à écouter mes vieux vinyles dans le garage, à simuler mon bonheur, dans l'attente d'une éventuelle crise cardiaque qui me sortirait de ce merdier.