jeudi 24 mars 2011
Ce soir tu m'as laissé au fond de la pièce, tout près des chiottes. Dans un de ces recoins humides que je n'aime pas, dans ce genre de nul part qui sent la fosse sceptique et le vieux cendrier. Un de ces recoins vides, fumants, trop près de moi ou trop loin de toi... Je n'ai pas encore choisi.
Je me demande de quoi j'ai l'air à présent, bloquée entre nos vieux mobiliers, seule dans cet espace que tu as quitté tout à l'heure.
Tiens.. J'étais en train de me poser la question, quand une vive brûlure m'a réveillé de ma léthargie : j'avais oublié qu'une clope était en train de se consumer au bout de mes doigts inactifs. Piquée à vif, je l'ai lâché et l'ai vu s'écraser au sol, dans un bruit court et sec. C'est étrange tu vois, en un instant, cette clope m'a semblé bien plus lourde que de coutume à en juger par sa chute droite et parfaite. Impeccable.
Je contemple ce qui reste d'elle au sol. J'aurais aimé que tu vois ça. Le filtre orange aux contours sublimement délimités s'étirent pour finir en cendre grise et vaporeuse. A regarder, le spectacle est à la fois morbide et magnifiquement poétique. Cette cigarette aura vécu le temps d'une combustion lente et douloureuse.
Peut être comme nous.
Face à ce spectacle, le souvenir de formes humaines et fantomatiques ressurgit peu à peu. Ces gens qui étaient avec nous tout à l'heure. En y réfléchissant, cette masse humaine avait les contours aussi incertains que cette cendre vaporeuse et cancérigène gisant à même le sol. Ces corps auraient sûrement étaient indifférents face au cadavre de la cigarette, trop occupés à finir leur verre pour s'en servir un autre, qui sera à nouveau vidé, puis rempli, vidé, rempli, vidé. Je te l'avais dit chéri. Cette soirée je ne voulais pas la faire.
Mais tu as insisté, j'ai dit non, tu as résisté, alors j'ai dit oui. Je n'ai jamais su te résister, tu le sais. Je n'ai jamais su te contredire.
Et cette fois j'aurais dû.
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